Quelques mots d’histoire. La Birmanie.

Ce pays souvent méconnu mérite que je m’attarde un peu à son histoire, que je raconte ce que j’en savais avant d’y atterrir. Pendant longtemps, plusieurs peuples ont émigré vers la Birmanie, venant du sud, du nord et de l’est. Ces peuples n’ont été unifiés que sous l’empire de Bagan, au XIe siècle et de quelques rois, au XVIe siècle. Entre temps, différentes tribus ont régné, étendu et diminué leurs frontières au rythme des guerres. Les Anglais ont envahi la Birmanie en 1824, 1852 et 1883, moment où la Birmanie devient une partie de l’Inde coloniale anglaise. Situation qui amène son cortège d’abus coloniaux habituels et l’instauration du marché exportateur du riz. Les Anglais séparent la Birmanie de l’Inde en 1937 et la deuxième guerre mondiale, accompagnée de l’invasion japonaise, conduira à l’indépendance en 1948, instaurant une division du pays entre les groupes révoltés : les Musulmans, les communistes, les Mons et les tribus ethniques.


En 1962, l’aile gauche politique prend le pouvoir et installe une politique socialiste jusqu’à ce qu’elle soit renversée en 1987-1988. De nombreuses manifestations, 3000 morts en six semaines, opposent à cette date les partis pro-démocratiques et l’armée. La Ligue nationale pour la démocratie emporte finalement les élections de 1988, mais par un coup d’état de l’armée, le général Saw Maung est placé au pouvoir. Le peuple continue son mouvement de protestation grâce à la Ligue nationale pour la démocratie, avec à sa tête Mme Aung San Suu Kyi. Le régime militaire l’emprisonne en 1989. Depuis, la junte militaire au pouvoir contrôle la Ligue nationale pour la démocratie en la privant de sa tête dirigeante et en empêchant les rassemblements populaires. Mme Aung San Suu Kyi gagne, en 1991, le Prix Nobel de la Paix. Elle sera libérée sous surveillance en 1995, emprisonnée de nouveau en 2000, relâchée en 2002 et arrêtée encore une fois en 2003.


On peut donc définir la Birmanie comme étant un pays de dictature extrêmement rigide et sévère, géré par un gouvernement militaire. Dictature dont on parle à peine au niveau mondial. Ne trouvant pas de pétrole en Birmanie, les États-Unis n'y ont aucun intérêt économique. Par conséquent, pas de grandes dénonciations de cette violation des droits humains fondamentaux. Ce n'est pas Saddam quand même, ce n’est qu’une petite dictature sans pétrole!


Le gouvernement dénote cependant, depuis les années 1990, de plus en plus d’ouverture envers les autres pays. Il a privatisé plusieurs compagnies et laissé s'installer le capitalisme dans le pays. Il a ouvert le pays au tourisme, de groupes d'abord, puis d’individus. Il a aussi modifié les noms de presque toutes les villes du pays : par exemple, la capitale Rangoon s’appelle maintenant Yangoon, et même le nom du pays est passé de Birmanie à Myanmar. Tout ceci, afin de bien démontrer qu’il est le maître et qu’il n’agit pas en continuité avec l’héritage anglais.


Il existe en Birmanie trois monnaies, le Kyat, le $US, et le FEC (Foreign Exchange Currency). Les FEC ont pour principale fonction de faire entrer des $US dans le pays par les touristes et d’enrichir les coffres du gouvernement. Le gouvernement offre comme taux de change officiel 6 Kyats pour 1$US, alors que dans la rue, sur le marché noir, le taux varie autour de 900 Kyats pour 1$US. Les membres du gouvernement achètent ce qu’ils veulent au taux officiel, les prix étant notés en $US mais ils paient en Kyats, ce qui leur procure des prix ridiculement bas. La plupart des touristes échangent leurs devises sur la rue, ce qui augmente la monnaie en circulation et apporte des $US au gouvernement.


La Birmanie produit 70% de l'opium mondial, de quoi satisfaire les mafias de plusieurs pays. Pourtant, à l’intérieur du pays, le trafic de la drogue est illégal et pratiquement absent. Toute la production est exportée et vendue à l’extérieur, ce qui, j'imagine, permet de remplir les coffres de l’état tout en assurant un climat stable et rigide auprès des citoyens.


Voilà la conception générale que j’avais de la Birmanie avant d’y venir. Ceci dit, je me posais tout de même la question suivante : en tant que touriste, est-ce que c'est une bonne idée d'aller en Birmanie?


Mme Aung San Suu Kyi, son parti, les ONG et plusieurs organismes internationaux suggèrent le boycott de la Birmanie de la part des touristes, puisqu’en y venant, ils encouragent de façon monétaire un gouvernement dictatorial. De plus, la plupart des infrastructures, comme les autoroutes (autoroute est en fait un grand mot plutôt loin de la réalité) et les hôtels ont été construits en fonction du tourisme et par des travaux forcés. Plusieurs villageois ont été tués par le régime ou furent exilés. Un musée des horreurs quoi!


Par ailleurs, d’autres voix disent que la Birmanie est un pays déjà assez fermé comme ça et qu'elle a besoin d'une ouverture sur le monde. On croit que ça ne peut qu'aider les Birmans d'entrer en contact avec des touristes, de pouvoir apprendre et parler l'anglais, d'avoir accès à des informations internationales, à des livres en anglais en provenance de d’autres pays. Et les touristes, bien sûr, dépensent de l’argent dans les petits commerces locaux et les restaurants, ils achètent directement auprès des Birmans qu'ils rencontrent, et non pas au gouvernement. Il est cependant recommandé d’éviter le plus possible d’encourager les compagnies gouvernementales de transport et d’autres services.


Avec en mains toutes ces informations, nous avons donc décidé de visiter la Birmanie, veillant à donner le moins d'argent possible au gouvernement, en évitant les compagnies gouvernementales et en achetant beaucoup dans la rue. Ce fut un excellent choix, car ce fut un pays merveilleux!


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